vendredi 2 décembre 2011

20h-DSK : Contexte

Le 14 mai 2011, Dominique Strauss-Kahn est directeur général du Fonds Monétaire International. Il doit rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin le 15 mai, puis assister le lendemain à la réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles. Il bénéficie d'une importante popularité en France et est en tête des intentions de vote de la primaire présidentielle socialiste de 2011 et de l'élection présidentielle de 2012.



Il est cependant arrêté par la police new-yorkaise, accusé d'acte sexuel criminel, de tentative de viol, d'abus sexuel et de séquestration, par le bureau du procureur de Manhattan, Cyrus Vance Jr. suite à une plainte de Nafissatou Diallo, femme de chambre à l'hôtel Sofitel de New York où DSK séjournait le jour même.

Son arrestation et les rebondissements de "L'affaire DSK" font grand bruit, en France comme dans le monde entier.
Le 23 août 2011, les charges pesants sur Dominique Strauss-Kahn sont officiellement abandonnées, ce qui met un terme à la partie pénale de l'affaire.



Ne s'étant pas exprimé au cours de la procédure pénale, DSK est interviewé au Journal Télévisé de TF1 du 18 septembre par Claire Chazal pendant près de 25min, devant 14 Millions de téléspectateurs (44% de parts d'audience), réalisant ainsi un record d'audience pour le JT.

Au cours de l'interview, DSK s'exprime bien sur longuement sur l'affaire Diallo, reconnaissant une faute morale il affirme qu'il n'y a eu ni violence, ni contrainte dans sa relation avec Diallo. Il aborde également l'affaire Tristane Banon, l'actualité des primaires socialistes, et donne sa vision de la crise économique et de son propre futur dans la sphère politique.



Évènement médiatique de la rentrée, sa prise de parole a été analysée, décortiquée, commentée par tout le monde, jugeant ainsi du degré de sincérité de DSK, des efforts de mise en scène qui ont donné à l'exercice journalistique de l'interview un côté hollywoodien, mais aussi de l'impact de sa prise de parole sur la vie politique française : influence sur les primaires, retour possible de DSK en politique, ...

Nous allons maintenant nous attacher à analyser les stratégies de communication qu'ont mis en œuvre les médias et les acteurs de la vie publique françaises qui ont un intérêt à influencer le souvenir que l'opinion publique garde de l'intervention de DSK, et à orienter le débat et les questions soulevés au cours de cet interview.
Nous aborderons ainsi 4 points :
  • La sincérité de DSK en question
  • La mise en scène de l'interview
  • L'instrumentalisation de l'affaire
  • L'avenir de DSK

Sources : Wikipedia, Tf1, Le Figaro

jeudi 1 décembre 2011

La sincérité de DSK

  • La sincérité "mesurée" ?

Le Nouvel Obs du 22/09 donne la parole au président de l'Institut Médiascopie dans un article d'analyse de la prestation de DSK.  Pendant l'émission, 120 personnes représentatives de la population (sexe, âge, sensibilité gauche/droite) réagissaient en direct aux propos de Strauss-Kahn. En s'appuyant sur une analyse "chiffrée", le Nouvel Obs essaie de donner à son analyse un sceau de vérité "prouvée scientifiquement", ce qu'on retrouve dans les expression :
- "Verdict : [DSK] n'a convaincu que ... sur la crise économique"
- "Notre Médiascopie l'établit"
- Elements méthodologiques cités à la fin de l'article

Voir la vidéo de l'analyse médiascopie sur le site de Dailymotion

Effectivement cette mesure permet de mesurer un taux d'adhésion du "public", mais l'article exagère et oriente les conclusions de l'analyse pour appuyer son interprétation.

Citons par exemple :
20 h 11  “Ni violence, ni agression”
"Ce qui s’est passé ne comprend ni violence, ni contrainte, ni agression, ni aucun acte délictueux."
D’entrée de jeu Dominique Strauss-Kahn n’est pas crédible quand il nie avoir eu recours à la violence ou à la contrainte sur Nafissatou Diallo dans la suite 2806. L’ensemble des courbes baisse, quelle que soit la sensibilité politique, passant de 5,7 à 4,9/10.
20 h 12  “Une faute”
"Ce qui s’est passé était une relation, non seulement inappropriée, mais plus que ça, une faute. Une faute vis-à-vis de ma femme, de mes enfants, de mes amis…"
La reconnaissance d’une faute est saluée par un mouvement d’approbation net et consensuel (6,5/10) de l’ensemble des personnes interrogées.

Ici on interprète la chute des notes lorsque DSK se défend comme une perte de crédibilité, tandis que la remontée des notes traduirait son regain, mais c'est sans compter les biais qui sont inhérents à la méthode de médiascopie : on remporte toujours  davantage d'adhésion d'un public à plaider coupable qu'à défendre son innocence !  C'est pour cette raison que l'on confie aujourd'hui la justice à des juges, plutôt que de confier le destin des hommes à l'applaudimètre de la foule comme à l'époque des jeux romains !

Le verdict de l'article, qui est donné dès l'accroche, est également réducteur. On ne peut pas dire que DSK n'a convaincu que sur la crise économique, ou en tout cas on ne peut las le déduire de l'analyse médiascopie. En effet, DSK est globalement accrédité d'un taux d'adhésion supérieur à la moyenne, y compris lorsque DSK s'exprime sur l'affaire Diallo :
- l'indice grimpe à 6.5 voire 7 lorsque DSK conteste son "départ précipité"de l'hotel
- l'indice dépasse également les 6 points lorsque DSK dénonce les mensonges de Diallo

  • Les experts en communication "décryptent pour vous" l'interview de DSK
  •  
Nombreux sont les médias qui font ainsi appel à des tiers pour  analyser la sincérité de DSK. C'est le cas de Libération, qui interview un psychiatre, ou encore de Téléstar qui s'appuie sur le comportementaliste Frédéric Arminot.
Cette stratégie qui consiste à céder la parole aux experts, a deux objectifs pour les médias :
- accroitre leur objectivité, leur crédibilité, en présentant des analyses de personnes qui n'appartiennent pas à la rédaction, et dont la compétence est attestée par leurs études, leurs expériences professionnelles, ... ;
- susciter l'intérêt du lecteur qui veut consulter l'avis du spécialiste pour y trouver une vérité ;

Mais cette stratégie a bien sur ses limites, dans la mesure où la rédaction peut toujours choisir le spécialiste qui saura conforter sa ligne éditoriale, et parce qu'il n'y a pas de consensus quant à l'analyse de l'interview de DSK - même parmi les spécialistes.

Ainsi, dans Libération, l'éditorialiste Vincent Giret fustige le manque de lucidité de DSK, dont la défense est au minimum incohérente, en "jouant sa contrition dominicale en mode mineur" tout en se "cachant derrière le rapport du procureur", parfois "abracadabrantesque" lorsqu'il évoque un complot contre sa personne. Et l'analyse du psychiatre Serge Hefez fait entièrement écho à cet éditorial, affirmant que DSK "était le moins convaincant" lorsqu'il faisait son exercice de contrition.

 Il justifie ce point en opposant deux fautes de natures différentes, que DSK pourrait admettre :
- tromper sa femme ;
- une faute de bienséance au regard de son statut d'homme publique ;
DSK ne fait pourtant pas cette distinction dans sa prise de parole, et reste vague quant à la "faute morale" dont il fait l'aveu, mais le psychiatre va néanmoins interpréter ses propos et refaire la démonstration de DSK, en y glissant des opinions personnelles, pour catégoriser la faute en question.
Mais les arguments qu'il avance sont contestables :
Chacun sait que DSK est un séducteur, qu’il aime les femmes, qu’il a une vie sexuelle intense, qu’il a des relations extra conjugales et que son épouse est au courant. Tromper sa femme dans ce couple, ce n’est pas une faute.
Pour cette raison, la faute qu'évoque DSK serait une faute de bienséance, et qu'en France on aurait peut-être mieux accepter que DSK assume simplement sa nature de "séducteur". C'est pour cette raison qu'il perd sa force de conviction selon le psychiatre. Il justifie ce point par une seconde opinion personnelle :
Les Français ne sont pas des Américains. Ils sont tout à fait capables de tolérer quelqu’un qui a une vie sexuelle intense tant qu’il n’y a pas d’abus de pouvoir et de violence.
Au final, faire intervenir le psychiatre relève d'une pure stratégie de persuasion et de séduction du lecteur. L'avis de Serge Hefez est bien sur intéressant, mais quelle est la valeur ajoutée de faire intervenir un psychiatre, lorsque les points clés de sa démonstration s'appuient sur des opinions un peu communes, mais que l'on pourrait néanmoins contester.

On retrouve la même approche dans le magazine TeleStar, où le comportementaliste analyse surtout l'image de DSK, mais sans la rapporter souvent à ce qui constitue pourtant le titre de l'article "DSK a t-il été sincère ?" :
En balançant la tête et le corps d'avant en arrière et en fermant les yeux, Dominique Strauss-Kahn exprime une forme de lassitude face aux questions de la journaliste.
Le bilan tiré en conclusion n'offre pas non plus une grande valeur ajoutée :
C'est lorsqu'il a eu des accès de sincérité que Dominique Strauss-Kahn a été le plus crédible, mais ce n'était, hélas, que de trop courts moments.

  • Insister sur les omissions ou bien sur la tension émotionnelle ?

L'argument que l'on retrouve dans le discours de tous les détracteurs de DSK est celui des omissions de l'interview : DSK (ou bien Claire Chazal, trop clémente à son égard, c'est selon) n'aborde pas le fond de l'affaire, les sujets qui fâchent.

Ainsi, selon Olivia Cattan, présidente de l'association Paroles de femmes, dont les propos sont relayés par Le Figaro, "il n'y a pas eu d'explication sur ce qui s'est exactement passé dans cette chambre", DSK "n'a pas levé les zones d'ombres", et il n'y a pas eu non plus de "vraies questions contradictoires".
Olivia Cattan s'étonne également des propos de DSK sur "des relations sexuelles entre deux personnes qui ne ne connaissaient pas, en quelques minutes, non tarifiées" et présentées comme "consentantes".

C'est exactement le même argumentaire que reprend Kenneth Thompson, avocat de Diallo, dans une interview accordée à une correspondante de Libération à Washington, que l'on retrouve sur son blog.
Si Dominique Strauss-Kahn n’a pas agressé ma cliente, pourquoi ne peut-il pas dire ce qui s’est passé dans cette chambre et comment son ADN s’est retrouvé sur elle? La question n’a même pas été posée.

Dans un article plus travaillée, la même correspondante liste les exagérations, mensonges, et autres "exonérations de charges abusives" que DSK a commis lors de sa prise de parole.
Ces points très objectifs, issus de la comparaison des dires de DSK avec le  rapport du procureur, ce même rapport que DSK brandit à plusieurs reprises au cours de l'interview, dont on peut trouver une traduction intégrale sur le site de rue89, ont pourtant reçu peu d'écho dans la presse française.

 A l'inverse, ceux qui soutiennent DSK mettent en avant la tension émotionnelle de son interview.
Sur le blog d'un comité de soutien à DSK, voici par exemple l'une des nombreuses réactions, une heure après son passage sur TF1 :
Non seulement DSK m’a convaincue, mais il m’a émue ! 
Je l’ai trouvé, grave, profond, sincère et triste .
Grave, quand il a abordé ce qui s’est passé dans cette suite ! Ni violence, ni agression, et c’est ce qui nous importe. il n’y a pas eu crime. Le reste ne nous regarde pas ! On ne l’a pas menotté et mis en prison, pour adultère, mais pour accusation de viol ! Sa référence au rapport de Vance était pour ceux qui ne le croyait pas ! « ce n’est pas moi qui le dit, c’est le procureur » …….

Profond, dans l’aveu : rendez vous manqué auprès des français, souffrance causée à sa femme sans laquelle, il n’aurait pas tenu le coup, à sa famille, à ses enfants, !
Ses regrets, quant à sa légèreté morte à jamais, …..

Sincère , sans aucun doute ! L’énorme sincérité de l’homme qui n’a plus rien à perdre !
La peur, et quelle peur, quand votre destin, votre vie vous échappe, que vous êtes pris dans le cycle infernal de la dégringolade !

Et triste, si triste ! La tristesse de celui qui n’a aucun droit à l’erreur, et qui la commet quand même !

Et toujours cette lucidité sans complaisance à son égard ! Et à l’égard du monde économique , de la crise, et subitement animé de tout ce qu’il aurait pu faire encore pour la marche du monde et qu’il ne fera pas !

Ses amis socialistes l’ont lâché un peu trop vite à mon goût , le considérant comme un boulet ! Ils ont eu tort !

DSK est un homme rare, avec ses faiblesses, mais surtout avec une force et une intelligence hors du commun !

C'est le même son de cloche que l'on retrouve chez les soutiens politiques de DSK, au PS, comme chez son ami  Jean-Marie Le Guen : DSK s'est montré "ému, digne; [il] a livré sa vérité".
Jack Lang insiste sur le même aspect dans un communiqué :
Dominique a parlé la langue du cœur, de la vérité et de l'intelligence. Son intervention remarquable était pleine d'émotion et de justesse.

En conclusion, différentes stratégies sont à l’œuvre pour faire pencher la balance émotionnelle  de chaque individu entre les deux pôles "coupable" et "non-coupable". C'est bien de cela qu'il s'agit, car on ne pourra vraisemblablement jamais trancher, on ne saura pas ce qui s'est passé au juste dans la chambre 2806 du Sofitel de Manhattan.
Faire intervenir des "experts en communication" pour juger du niveau de sincérité de Strauss-Kahn a ses limites, car les points clés de leur démonstration s'appuient sur des jugements bien subjectifs, et la prétendue objectivité qui découle des chiffres de la médiascopie disparait dès lors qu'on aborde son interprétation délicate. Les commentateurs essayent alors d'insister sur la tension émotionnelle de l'interview - pour les défenseurs de DSK, ou bien sur les omissions et les approximations commises dans le discours de Strauss-Kahn, pour ses opposants.
Ceux-ci misent également sur une autre stratégie qui a pris de l'ampleur dans la presse : analyser la mise en scène de l'interview.

mercredi 30 novembre 2011

La mise en scène de l'interview

A l'unisson, tous les médias ont mis en avant la mise en scène dont a bénéficié l'interview. Selon eux, cette mise en scène est l'oeuvre conjointe :
- de TF1, qui assure une "superproduction", presque un "numéro spécial" du journal télévisé en consacrant 70% du journal à DSK, et réalise ainsi une audience record pour l'année 2011 toutes chaînes et tous programmes confondus ;
- de DSK, qui avait préparé son intervention, préparant aussi bien le texte que la communication non-verbale (expressions du visage, gestuelle, ...) ;

Pour illustrer ce dernier point, reprenons un diaporama photo réalisé par libération, faisant passer DSK pour un comédien devant interpréter successivement des sentiments.

LA GRAVITÉ. L'interview débute, DSK est attentif et concentré. Il prend un air grave et pénétré.

 
 LE PROFESSEUR. «Nafissatou Diallo a menti sur tout». Lorsqu'il l'accuse, DSK prend un air pédagogique et met les points sur les i. 


LE FAUX INGÉNU. «Est-ce que cela veut dire qu'on ne sait pas si celui qui est accusé est innocent ou coupable mais qu'on ne peut rien prouver?»

L'ACCUSATEUR. «Il y a des zones d'ombre. A la page 12 de ce rapport, le procureur dit que des informations ont été données à Kenneth Thompson sur les circulations dans l'hôtel.»

LA GRATITUDE. C'est la fin de l'interview, DSK ne parle pas, il ferme juste les yeux et il remercie TF1 et Claire Chazal intérieurement de ce show réussi.
  • L'analyse de Christophe Barbier
 Directeur de la rédaction de l'Express, Christophe Barbier réagit vivement à l'interview de DSK, où
dans laquelle ce dernier s'attaque au "tabloïd qu'est devenu l'express" en lui reprochant "l'acharnement" dont il aurait fait preuve à son encontre, en présentant comme un rapport médical ce qui n'est que "la fiche d'entrée à l’hôpital de Nafissatou Diallo". Christophe Barbier rédige en réponse une lettre ouverte de réponse à DSK, s'oppose avec ténacité à Le Guen (ami socialiste de DSK) en direct sur LCI, et il publie également un éditorial vidéo sur le site de l'express.

LE DÉDAIN. «Ce tabloïd qu'est devenu l'Express (...) a voulu présenter comme un rapport médical ce qui n'était que la fiche d'entrée à l'hôpital de Nafissatou Diallo»



Dans l'éditorial vidéo nommé "DSK le comédien", Barbier entend montrer que "derrière la communication" de DSK, "il y a du théâtre, et du théâtre parfois excessif". Barbier entame pourtant son analyse par "Qui ne préparerait pas un tel rendez-vous médiatique ? On ne peut donc pas lui en vouloir." Pourtant l'ensemble de ces propos vise à discréditer les propos de DSK, à faire passer ses remords exprimés, comme des faux, sous prétexte qu'ils ont été préparés. 

La mise en garde de Barbier ne semble donc pas vraiment sincère. "On ne peut donc pas lui en vouloir". Pourtant, Barbier, afin de défendre son journal - et peut-être son honneur personnel, essaye subtilement de mettre en garde le spectateur des ruses sophistes de DSK, et dresse le portrait d'un DSK acteur, comédien, peut-être pinocchio ?


Et Christophe Barbier est effectivement persuasif, quand il analyse les nombreux éléments qui montrent que DSK avait minutieusement préparé l'interview, avec l'aide de son équipe de communication (article de FranceSoir). Mais il cherche aussi à créer de la sensation, en focalisant les réactions de l'article sur la mise en scène de l'interview, qui renvoie à la question de la crédibilité de DSK, qui fait écho à la préoccupation "people" d'une partie de la population : que s'est-il passé pendant 9 min dans cette chambre ? 

D'ailleurs, dans son analyse, Barbier utilise à deux reprises un procédé de "comparaison d'image", à 0:22-0:43 et à 2:24-2:42, qui est effectivement plaisant à voir. Mais il cherche alors à tourner DSK en dérision de manière exagérée : peut-on déduire d'une photo saisissant une mimique à un instant t, que DSK adopte une allure de "touriste décontracté revenant d'une mésaventure en vacances". Les défenseurs de DSK rétorqueraient qu'un sourire de soulagement affiché au moment de rentrer en France ne fausse pas nécessairement la contrition exprimée sur le plateau de TF1.

  • La presse dénonce "une opération de com'" 
Un autre directeur (adjoint) de rédaction livre son analyse de la prestation de Strass-Kahn en vidéo, à savoir Yves Thréard, pour le figaro. A 0:50, il livre ainsi sur le ton ironique "Je pense que, il a un grand avenir dans le cinéma, Dominique Strauss-Kahn, c'est un grand acteur". On retrouve les mêmes éléments dans Le Monde, l'Express, Libération ou encore l'Humanité.

C'est le côté "surjoué" de "l'acteur DSK" qui est visé dans ces articles, ainsi que la connivence avec TF1 qui lui livre ce temps de grande écoute comme sur un plateau, sans le soumettre à des questions très déstabilisantes, ce que l'on attribue au fait que Claire Chazal soit une amie d'Anne Sinclair.
Ainsi on retrouve et on file les métaphores du cinéma : dans l'Humanité, le "protagoniste" DSK se voit "dérouler le tapis rouge" par TF1; dans Libération, l'interview est "un dispositif tout au service de DSK : des caméras amies, une lumière propice et ce petit filet d’eau rassurant, la voix de Claire Chazal".


Dans Libération, Laure Bretton fait une analyse prophétique, rapprochant l'affaire DSK d'une série TV à l'américaine, mêlant "sexe, pouvoir, et dette". Lorsque DSK laisse entendre qu'un complot contre sa personne est possible, on comprend que l'on en est qu'au début de la série, et que bien des "rebondissements" nous attendent. Il y a même la dose de suspense que l'on réserve à la fin de l'épisode :
«Toute ma vie a été consacrée à essayer d’être utile au bien public». Encore un silence. Et un futur. «On verra.» Dans une série télé, on appelle ça un «cliffhanger».
Cette analyse est prophétique, car 4 jours plus tard, un épisode de New York Unité Spéciale, véritable calque de l'affaire est diffusé aux Etats-Unis, ce qui est relaté dans France Soir. Un diplomate italien briguant la présidence du Conseil y est impliqué dans un viol présumé d'une femme de chambre soudanaise dans un hôtel new-yorkais !

Enfin, la socialiste Anne Mansouret, mère de Tristane Banon qui monte souvent au créneau pour défendre sa fille et fustiger Strauss-Kahn, incrimine également ce dernier pour les mêmes raisons : selon elle, DSK se serait livré à "un exercice de dramaturgie", "racont[ant] une très belle histoire sans donner les bases qui nous permettraient de savoir ce qui s'est réellement passé".


En conclusion, la presse fustige presque à l'unanimité l'aspect "coup de com'" de l'interview de DSK. La communication a mauvaise presse en France, ce que rappelle cet article du Nouvel Observateur, expliquant que le retour de DSK était nécessairement un exercice ardu, et qu'on ne peut pas reprocher à Strauss-Kahn de faire un effort de communication en tant que tel.

En se focalisant ainsi sur la mise en scène de l'interview; les médias poursuivent deux buts :
- intéresser le lecteur avec cet aspect analyse d'image, décryptage de la propagande télévisuelle, ;
- nourrir le débat un peu vain autour de la sincérité de DSK, en donnant l'argument que le côté Actors Studio de l'interview en fait probablement un menteur.
Cependant, il s'agit encore de remuer les spéculations concernant ce qu'il s'est passé dans la fameuse chambre 2806 du Sofitel, et de s'interroger davantage sur la forme de l'interview que sur son fond.

mardi 29 novembre 2011

L'instrumentalisation de l'affaire

Une affaire politique :

Comme lors de la photo avec la Porsche, relatée ici sur le site à scandales lepost.fr, les adversaires politiques de Dominique Strauss-Kahn essaient de profiter de la situation.

Tout d'abord, Anne Mansouret, la mère de Tristane Banon. Elle était candidate à la primaire socialiste, mais est bien moins couverte médiatiquement que ses principaux concurrents (dont DSK à une époque). Elle profite de la situation de sa fille pour être sur le devant de la scène médiatique. Elle donne ainsi plusieurs interviews, dont une sur BFM Tv.



Grâce à sa fille elle apparaît donc sur l'une des grandes chaines d'information. Cependant, les seuls thèmes qui reviennent dans les interviews concernent sa fille et non pas son programme. Cela s'explique par le fait qu'à la télévision, le temps coûte cher, et les téléspectateurs ont rarement envie d'entendre une personne qu'ils ne connaissent pas parler de son programme. Anne Mansouret profite cependant de ses interviews pour impliquer d'autres candidats à la primaire, dont François Hollande, comme le rapporte ici l'Express, elle avait auparavant retiré sa candidature à la primaire et explique ses raisons sur son blog. Pourquoi a-t-elle choisi son blog personnel? Il est possible que ce soit car aucun autre moyen ne s'offrait à elle, l'engagement politique de la mère de la supposée victime n'attire en effet pas les lecteurs ni les spectateurs.



François Hollande, lui, n'a guère apprécié ces accusations et s'est empressé de réagir. Il est obligé de communiquer sur ce sujet sous peine d'être mis en danger à quelques mois de la primaire socialiste dont il est le nouveau favori.

Mais plus que ses concurrents à la primaire socialiste, qui profite vraiment de l'effondrement politique du favori, selon les sondages, non seulement de la primaire mais aussi de l'élection présidentielle de mai 2012 dans le cas d'un deuxième tour face à Nicolas Sarkozy? La droite évidemment. Le Figaro, dans ses éditions du 16 mai 2011 et du 17 mai 2011 relate ainsi les différents scandales dans lesquels peut être impliqué DSK, avec le titre : « Les deux précédentes affaires sexuelles qui gênent DSK ».



Apparaît donc une théorie du complot résumé ici sur le site du journal à tendance plutôt à gauche Le Nouvel Observateur. Cette théorie pose les questions et cherche un responsable : le gouvernement. Ce dernier s'empresse de nier en bloc comme le rapporte Le Figaro. Ce n'est pas une surprise de voir Le Figaro défendre le gouvernement, dont il est proche.



Puisque des faits sont avérés dans l'affaire Tristane Banon: DSK l'a avoué, il a essayé de l'embrasser. On n'entend pas réellement parler de théorie du complot. Cependant, certains se demandent pourquoi cette affaire ressurgit, et pourquoi de cette manière. Ainsi dans un article d'un chroniqueur du point.fr, hebdomadaire pourtant de droite, on peut lire des dénonciations de collusion entre Tristane Banon et l'UMP.

On voit en parcourant ces articles que les stratégies de communication ne sont pas le fruit du hasard, mais que les médias ne jouent pas le rôle important dans l'affaire : sur les sites des différents journaux, on trouve des articles fortement similaires. Le but semble de ne pas laisser le lecteur aller voir ailleurs.

lundi 28 novembre 2011

L'avenir de DSK

Le PS embarrassé
Dominique Strauss-Kahn était favori dans la course à la présidentielle 2012. Mais que peut-il faire après que son image a été entachée lors des différentes affaires?
Le Parti Socialiste, dont Dominique Strauss-Kahn était l'un des cadres, est quelque peu gêné par la situation, mais se doit de réagir par le biais de certains de ses leaders.


Ainsi Martine Aubry, qui, comme l'écrit Thomas Legrand, journaliste à France Inter, avait conclu un pacte avec DSK, a réagi:
" Je pense qu'il sera le seul à même de s'exprimer sur ce qu'il souhaite faire par la suite. [...] Il a beaucoup de choses en tête pour arriver à sortir de cette période difficile, et je crois que nous devons d'abord le laisser souffler".

De même Ségolène Royal réagit sur Europe 1 :
"Respectons le délai de reconstruction."


De cette manière, les deux candidates à la primaire socialistes esquivent le problème de son retour. Laisser le temps à DSK de prendre sa décision, telle est l'idée de tous au Parti Socialiste. Tous ces candidats se retrouvent en meilleure position qu'avant les frasques de DSK.
De plus un retour de DSK pourrait salir aux yeux de certains l'image du Parti Socialiste : lors d'un des débats télévisés qui précédaient la primaire, la question a été traitée.



Arnaud Montebourg joue la carte de la différence et tranche les réponses de normand des autres candidats : "son retour en politique n'est pas souhaitable, ni d'ailleurs possible". François Hollande profite du sujet pour rappeler que son engagement date d'avant l'affaire du Sofitel et attaque ainsi sa principale concurrente Martine Aubry. Il profite ici de l'affaire pour se mettre en avant. Enfin Manuel Valls rappelle que DSK est bon pour la gauche et marque sa fidélité : "ce qu'il pensait du monde, ça reste d'actualité". M. Valls indique ici qu'il ferait probablement de DSK un ministre en cas d'élection à la présidentielle. Comme les sympathisants de M. Valls font généralement partie de l'aile droite du parti, favorable à DSK avant l'affaire, il rappelle ses idées et marque lui aussi sa différence.


Qu'en pense DSK?
Lors de son intervention au journal de Claire Chazal, il a ainsi jugé que "[son] rôle n'est pas de [s]'immiscer dans la primaire". Il sait que la primaire ne sera pas reportée pour le laisser faire campagne et ne soutient officiellement aucun candidat afin de ne pas les mettre dans des positions délicates. Ou bien masque-t-il ses préférences afin de pouvoir briguer un poste de ministre quel que soit le résultat de la primaire?


Claire Chazal pose la question directement : "Avez-vous renoncé à toute vie politique?" On peut penser qu'elle pose cette question, après l'analyse économique de DSK, pour redonner de l'intérêt à son interview, l'attention du spectateur lambda ayant probablement quelque peu diminué. DSK rappelle qu'il n'est "candidat à rien" et il botte encore en touche "je vais prendre le temps de réfléchir". Il rappelle cependant qu'il a longtemps servi l'Etat. Sa phrase finale, "On verra", ne satisfait pas le téléspectateur, mais laisse ouverte à DSK toute opportunité. Dont celle d'un poste de ministre.


La situation de DSK gêne, et chaque participant à la vie politique se garde bien de tout engagement et garde une position attentiste voire opportuniste. Exprimer un avis tranché constitue en effet un énorme risque puisque de nouveaux évènements peuvent apparaître chaque jour et la situation rebondir de nombreuses fois.
"On verra"